Economie populaire , informel et TPE Low Cost



Relance économique et promotion de l’emploi
Par Najib Mikou et Hicham Saadani membres de l'Alliance des économistes



Les prévisions à 2025, laissent présager pour le Maroc une forte demande d’emplois liée à sa transition démographique (hausse de la population active et vieillissement de la population) et aux mutations sociétales (urbanisation, progrès sociaux et démocratiques). Un nombre croissant de jeunes de plus en plus qualifiés arrive sur le marché du travail. Les tendances migratoires exercent une pression croissante sur le marché du travail urbain et une réallocation des moyens et des priorités pour le monde rural.  

La mobilité de la population marocaine est en hausse d'année en année. Sur le plan économique, le niveau de la croissance reste assez peu créateur en emplois malgré les politiques sectorielles ambitieuses. Ce sont les PME et les TPE qui demeurent les plus créatrices d’emplois. 

Les mutations affectant la demande de travail (volume et qualité des emplois offerts) font apparaitre des facteurs déterminants pour la relance économique et la création de l’emploi qui sont : 
• la politique macroéconomique, 
• les politiques sectorielles  en faveur des secteurs fortement créateurs d’emploi ;
• la modernisation et la régénération des unités d'emplois notamment par l’investissement et la création de nouvelles TPE, PME, et la favorisation des initiatives d’entrepreneuriat par les jeunes diplômés et par les salariés disposant de potentiel d’innovation important. 
 
Au plan macroéconomique, le déficit commercial persistant a engendré une faible croissance de l’activité économique qui a induit une faible productivité et par là même une faible croissance des emplois dans quasiment tous les secteurs.  

S'agissant des politiques sectorielles engagées ces dernières années, elles impliquent une compensation de l'effet négatif des gains de productivité sur la croissance des emplois. Il importe donc de conquérir de nouvelles parts de marché et de renforcer les investissements dans les secteurs traditionnels du Maroc, l’artisanat, l’industrie, et les services pour améliorer les conditions de vie de la population et l'attractivité du territoire. 

Pour ce qui est de la création d’entreprises, il est fortement recommandé de s’atteler à créer un climat de confiance aux investisseurs en vue de favoriser des créations nouvelles de PME et TPE qui seraient en mesure de générer de nouveaux emplois.       
Notons que le marché du travail est caractérisé par un déséquilibre structurel entre l’offre de travail et la demande grandissante de placement des nouveaux diplômés dans un marché de travail demandeur de profils pointus et surtout en adéquation avec la demande d’employés et de cadres spécialisés pour les entreprises.  

Il est à noter également que l’employabilité est centrée quasi exclusivement sur la notion de l’insertion-salariat et non sur la notion d’insertion-entrepreneuriat des jeunes et de manière générale de la population active bien que des efforts louables ont été déployés dans le sens de l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle par un cadre d’entrepreneuriat. 

Les projections économiques et d’emplois à l’horizon 2025 confirment l’équilibre très fragile auquel le Maroc sera confronté, aboutissant à l’exclusion et au maintien dans la précarité des catégories les plus vulnérables (femmes, jeunes et actifs les moins qualifiés). 

Comment créer donc une relance économique qui soit créatrice d’emplois durables et de qualité alors que plusieurs constats font figure d’un déséquilibre manifeste entre une offre inadéquate de travail avec une demande faible de la part des entreprises et de surcroit exigeante en termes de profils de valeur. 

Les signes d’essoufflement du modèle de développement national imposent  inéluctablement des mesures urgentes en vue de relever le niveau de la croissance économique. La résolution de cette question devrait être au cœur des politiques publiques en agissant sur la demande intérieure et l’aborder dans sa double composante de la consommation des ménages et de l’investissement en particulier.  

C’est ainsi qu’entre les deux périodes 2000-2012 et 2013-2017, la croissance en volume de la demande intérieure est passée respectivement de 5% à 3,1%, les dépenses de consommation finale de 4,3% à 2,9% et la formation brute du capital fixe de 6% à 1,2%. Au même moment, la valeur ajoutée créée par notre économie baissait de 4,6% à 2,6% et le produit intérieur brut de 4,6% à 3,4%. 

La baisse du rythme de croissance n’est autre que l’expression d’une politique de contrainte. Elle aurait pour vocation à compromettre la croissance potentielle future du pays. Elle serait d’autant plus injustifiable que, l’intensité capitalistique qui mesure le stock de capital par actif occupé reste encore inférieure à celle des pays émergents et en développement, comme cela a été montré par les études réalisées par le HCP. Ce serait une regrettable rupture avec le volontarisme adopté depuis les années 2000 par le Maroc dans ce domaine où le taux d’investissement entre 30% et 33% était le plus élevé parmi ces pays en dehors de la Chine. 
 
Cela nous renvoi sur les éléments : 
• Une part importante de la dette garantie (entreprises et établissements publics) : 15,3% ;
• Un déséquilibre important entre l’investissement dans les infrastructures et les activités productives. 
• l’efficience de la gestion des programmes d’investissements étatique.
• Une structure manufacturière composée de 11% de grandes entreprises et de 89% de PME ;
• Les grandes entreprises emploient 67% des effectifs en activité, réalisent 85% du chiffre d’affaires et réalisent 89% des exportations totales ; 
• Les PME participent pour 4,7% à l’investissement total.
• Un ralentissement des revenus des ménages sur les périodes considérées plus haut, 6,1% d’accroissement pour la période 2000/2012 à 3,5% en moyenne annuelle pour la seconde période 2013/2017. Les sources de revenus des ménages sont issus de manière égalitaire 22% par les entreprises et 20% par les administrations publiques;  
• Faible évolution du salaire brut évoluant de 0,2% au lieu de 2,8% avec une structure inégalitaire (salaire moyen mensuel 4468 dh, variant en 2016  de 2877 dh dans les entreprises à 13052 dh dans les administrations publiques).       
• Une Consommation et une épargne en perte de vitesse au détriment en particulier des ménages les plus vulnérables avec un taux de croissance de la consommation : en baisse à 3,1%, après 4,3% par an. Une épargne en baisse à 1,5% par an, après 8,7%. Selon la structure sociale des ménages et la nature des produits consommés, la consommation des ménages est impactée d’une façon différenciée, avec une consommation non-alimentaire absorbant 50% des dépenses, l’inflation cumulée entre 2004 et 2017 a été de 14,8% pour l’énergie, 15,5% pour la facture de l’eau, 18,4% pour les frais de scolarité et 24% pour les frais d’inscription aux écoles. En excluant les dépenses relatives au logement et l’alimentaire, la consommation de la catégorie des ménages les plus pauvres serait de 10% du montant global de leur consommation, celle des catégories intermédiaires de 27% et celle des catégories supérieures de 56%.  
 
Comment sortir d’un modèle de croissance tributaire de la campagne agricole qui dans le cas ou elle se situerait aux alentours de 4% elle est qualifiée de bonne et baisse en dessous de 3% dans le cas contraire ?

Comment pourrait-elle en même temps être assortie d’une baisse des inégalités, sachant que selon les études du HCP,  une croissance de 1% donnerait lieu à une diminution de la pauvreté de 3,6%. 


Comment inscrire le Maroc dans une dynamique de relance économique créatrice de nouvelles opportunités d’emploi ? 
 

Propositions pour une relance économique et la création de l’emploi 

De cet ensemble de constats précédents, il en ressort des propositions en faveur d’une relance économique s’imposent à des fins de création de l’emploi par le biais d’actions qui versent dans un sens de l’entrepreneuriat en matière de création des entreprises :  

Afin d’assurer une relance de l’économie marocaine, la création d’entreprises TPE  des métiers de l’artisanat et celles issues de l’économie informelle s’avère être d’une importance capitale au vu des gisements que ce type d’entreprises pourrait représenter comme réservoir de l’emploi pour plusieurs raisons.

D’abord, car le secteur des métiers de l’artisanat à coté du secteur informel représentent respectivement 9% et 20% du PIB au Maroc et ensuite en raison de l’importance de la main d’œuvre que ces secteurs emploient.     

Il en ressort clairement qu’un gisement important d’emplois demeure centré autour du secteur informel qui au vu de ces chiffres devrait être intégré au secteur formel.   

La relance économique ainsi que la création d’emplois durables passeront par les propositions concrètes suivantes :  

Proposition concrète 1 : axe création des TPE low cost 

Création d’entreprises TPE dénommées « low cost » pour les raisons que nous évoquerons plus loin car elles sont des structures faiblement utilisatrices de capital et sont fortement demanderesses de main d’œuvre –capital saving & labour intensive-. Ces TPE devraient être créées avec un minimum de frais liés à la constitution pour leur promoteurs avec une fiscalité allégée à des taux attractifs ne dépassant guère 2% avec une exonération totale du paiement des droits et taxes aussi bien de la constitution, de la réalisation des bénéfices pendant les 5 premières années. Le CA de ces TPE low cost devrait être fixé à un seuil maximum compris entre 700000dhs à 1500000dhs avec pour seule obligation de déclaration du chiffre d’affaires annuellement. 

Proposition concrète 2 : axe financement des TPE low cost 

Obligation pour les banques de financer ces TPE avec des garanties de la CCG ou étatiques pour un montant maximum conventionnel à déterminer à condition que ces TPE soient viables et opèrent dans les secteurs précités plus haut afin de les intégrer dans le tissu économique progressivement.  

L’appel de la garantie CCG ou de l’état devrait être systématique et immédiat, en cas de défaillance de TPE low cost selon les règles de déclassement des créances en vigueur par BAM et par les autorités monétaires.                 
 

Proposition concrète 3 : axe lié à l’intégration des artisans et des clients faisant partie du secteur informel  

Obligation aux banques de déclarer et d’intégrer les clients qui font partie du secteur informel et du segment masse market et qui opèrent dans un cadre d’entrepreneuriat informel au circuit économique formel.  
Proposition concrète 4 : axe lié au financement des auto-entrepreneurs par toutes les banques de la place  
Obligation à toutes les banques et les organismes de financement de financer les activités des auto-entrepreneurs à travers des véhicules ad hoc de financement notamment via la création de filiales spécialisées dédiées à ce type d’activités.  

Proposition concrète 5 : axe lié au recrutement dans les TPE low cost   

Pour toute création de TPE low cost, il devrait y avoir une obligation de déclaration des employés à la CNSS moyennant un taux réduit par rapport au taux conventionnel en vigeur. Ce taux réduit tiendra en ligne de compte les spécificités de la légèreté des ressources de ces entreprises TPE à caractère économique par définition. Bien entendu, le caractère cyclique de l’activité de ces entreprises est à prendre en considération dans le sens où une quelconque interruption des déclarations fiscales ou légales dument justifiée par des pertes de marchés ou d’activités ne serait pas passible de sanctions en conséquence eu égard encore une fois au caractère précaire de ces structures. De même, la flexibilité des emplois dans le cadre de ces TPE devrait être prévue par le législateur.  

Proposition concrète 6 : axe lié au financement des prêts en faveur des employés des TPE low cost     

L’accès à la propriété de cette catégorie de salariés des TPE low cost constitue une partie de la paix sociale vu leurs conditions précaires de résidence dans la majorité des cas. Il en ressort que des offres taillées sur mesures devraient leur être proposées avec des conditions d’octroi qui soient le plus fluide possible. Pour ce faire, les prêts d’accès à la propriété de ces couches sociales devraient être garantis moyennant des garanties étatiques ou par des fonds de garantie souverains qui vont de paire avec la nature même de leurs emplois précaires et cycliques. Les banques devraient innover des solutions de reports d’échéances de paiement dès que des difficultés seraient constatées quant au remboursement des prêts sans la moindre complication ni exigences de garanties supplémentaires.  
 
En définitive, force est de constater que sans une réelle volonté et une implication de la part de tous les acteurs économiques, des forces vives, du citoyen qui devrait s’inscrire dans une dynamique d’intégration de ses activités dans un cadre formel…

Aucune proposition ne pourrait aboutir de manière efficace. A ce propos, toutes les parties prenantes devraient être associées à ce projet de société de relance de la machine emploi, qui est productrice de valeur ajoutée, de paix sociale, d’inclusion des couches les plus défavorisées, d’éradication de la pauvreté, d’insertion des jeunes . ..